Les territoires d’élevage laitier à l’épreuve des dynamiques politiques et économiques : éléments pour une géographie du lait au Sénégal

Soutenance de thèse par Djiby DIA (Géographe à l’ISRA-BAME) le 13 juillet 2009.

Publié le 13 juillet 2009

Le lait est un produit identitaire qui a façonné plusieurs espaces au Sénégal, défini des systèmes, créé des réseaux et d’intenses liens. Dans le Sénégal oriental et la Haute Casamance, il a été à l’origine du système uddugol et de nouveaux corps de métiers, comme les collecteurs (qu’on est convenu d’appeler ? transporteurs ?), qui représentent les acteurs véritables des relations ville/campagne. Du point de vue de l’espace, le lait, comme produit, a favorisé la structuration de la zone en plusieurs bassins avec des acteurs qui s’organisent pour la collecte groupée ; ce qui réduit les distances dans un vaste rayon caractérisé par un accès difficile. L’expérience du uddugol reste une réussite, quoique des réorientations semblent nécessaires. L’amélioration de la production dans cette zone dépend de la volonté de renforcer l’organisation des producteurs, mais aussi du désenclavement de villages et de l’extension de la collecte, de la mise en place d’infrastructures appropriées à un produit périssable comme le lait.

Dans la zone sylvopastorale caractérisée par un modèle d’élevage extensif structuré par la mobilité des acteurs, l’élevage laitier a donné peu de satisfaction. L’expérience de cette zone intimement liée au développement de la culture de la graine oléagineuse (l’économie de traite avec la commercialisation de l’arachide) dans le bassin arachidier a montré les limites de la modernisation du système de collecte du lait venu en aval de l’extensif et dans un contexte spatial et culturel peu préparé à une telle dynamique. Ni les objectifs affichés par la firme Nestlé en 1991, ni ceux de ses successeurs regroupés au sein d’associations en 2003 et appuyés par des structures misant sur l’intensification de la production laitière par l’amélioration génétique et la sédentarisation des pasteurs n’ont pu prospérer. Le lait de la zone sylvopastorale est resté faiblement collecté.

Dans la Région de Dakar, le système combine un élevage intensif hors sol et un élevage extensif. Ces deux systèmes sont asphyxiés par la croissance urbaine débordante de Dakar qui hypothèque leur survie. L’élevage extensif, qui avait fait le succès de la périphérisation, s’essouffle dans la Communauté rurale de Sangalkam. De nouveaux acteurs s’installent : des fermiers détenant de grands domaines, des promoteurs immobiliers ou touristiques. La production laitière de Dakar, encore très faible, est essentiellement issue des fermes intensives ; celle des élevages extensifs est reléguée en profondeur dans les Départements de Thiès et de Mbour.

Les différents territoires du lait étudiés révèlent ainsi des singularités sur plusieurs aspects : spatial, économique, ethnoculturel, politique. Ils dessinent également des interconnections à différents échelons.

Les importations massives de lait, particulièrement de la poudre, qui atteignent la barre des 50 milliards de francs CFA et qui couvrent plus de 60 % des besoins nationaux ont fortement influencé l’organisation spatiale et les échanges entre zones de production (des espaces ruraux et périurbains) et zones de consommation (espaces urbains surtout). Les laits importés sont fortement interconnectés avec les différents espaces, traduisant à la fois la concurrence et la complémentarité entre les produits. Cela pose la nécessité d’une bonne réflexion autour des options et des stratégies de développement de la production laitière.

Si les options politiques les contraintes de divers ordres ont des impacts sur le développement au Sénégal de l’élevage en général et de celui de la filière laitière en particulier, il demeure constant que les espaces de production ont des réponses spécifiques relativement adaptées, ou parfois inopportunes, pour justifier une orientation en faveur de la production laitière. Dans le Fouladou, comme dans la zone sylvopastorale, les producteurs élèvent pour le lait. Or, les politiques coloniales et actuelles sont davantage orientées sur la viande.

> Source : Cirad