Les filières
La filière lait
Présentation de la filière
lait
La filière laitière au Sénégal : état des lieux et perspectives
Introduction
L’élevage occupe une place centrale dans l’économie sénégalaise, représentant la deuxième activité du secteur agricole après l’agriculture. Il contribue à environ 35 % du PIB du secteur primaire et 4,8 % du PIB national. Toutefois, la production laitière locale reste insuffisante pour couvrir la demande nationale, ce qui entraîne une forte dépendance aux importations de produits laitiers, surtout de lait en poudre. En 2017, le volume des importations a atteint 30 660 tonnes, soit 211,6 millions de litres équivalents lait (Eql), provenant pour plus de 95 % de l’Union Européenne. LA valeur de ces importations de lait et produits laitiers en 2017 était de 34 milliard de FCFA.
On ne peut parler de lait local sans parler de ce lait en poudre importé. Pour commencer, il faut clarifier une chose : tout le lait en poudre présent au Sénégal est importé. Le Sénégal ne produit pas de lait en poudre. Il est essentiellement importé d’Europe et est reconditionné dans des sachets pour la consommation locale par les industriels laitiers locaux ou par les commerçants. Ce lait en poudre est soit vendu sous cette forme, soit transformé par les industriels laitiers.
Dans la suite de cet article, nous nous concentrerons sur la filière du lait local issue de la production nationale.
Systèmes de production laitière
Trois principaux systèmes de production coexistent au Sénégal :
- Le système pastoral extensif transhumant, prédominant dans la zone sylvopastorale.
- Le système agropastoral, principalement localisé dans le centre du pays, le bassin arachidier et la zone sud.
- Le système moderne et semi-moderne, en développement autour de Dakar et d’autres grandes villes.
Les deux premiers systèmes fournissent l’essentiel du lait local, mais des unités modernes sont de plus en plus nombreuses, surtout en périphérie des grandes villes du Sénégal comme Dakar, Thiès, Saint Louis.
Principales caractéristiques de la production laitière sénégalaise
La filière lait local est caractérisée par :
- Production faible et auto-consommation élevée : Selon les régions, entre 35 % et 80 % de la production laitière est directement consommée par les éleveurs et leurs familles. Cette situation limite la commercialisation du lait et freine le développement d’une industrie laitière locale structurée.
- Faible rendement laitier : Les vaches locales, principalement de race zébu élevé dans le système traditionnel, produisent en moyenne 1 à 3 litres de lait par jour. Ce faible rendement est dû à une alimentation souvent insuffisante et à l’absence de sélection génétique adaptée aux conditions locales.
- Forte variabilité saisonnière : La production laitière fluctue considérablement en fonction des saisons, avec un pic en saison des pluies lorsque les pâturages et l’eau sont abondants et une forte baisse en saison sèche. Cette irrégularité impacte directement l’approvisionnement des laiteries et pousse certaines à utiliser du lait en poudre importé pour maintenir leur activité.
Systèmes de collecte du lait
Pour être transformé, le lait produit dans les fermes et les exploitations familiales doit être envoyé dans les laiteries. Trois modes de collecte sont adoptés :
- Livraison directe des éleveurs aux laiteries (le plus courant) : généralement, ce sont les éleveurs qui supportent le coût de la livraison.
- Ramassage par collecteurs (à vélo, moto, tricycle ou voiture) : le collecteur peut être un privé ou être employé par les éleveurs ou par la laiterie.
- Centres de collecte où les éleveurs déposent leur lait ou alors il est récupéré par un collecteur.
Transformation
Le Sénégal comptait en 2008 une soixantaine de laiteries, encore appelées minilaiteries en raison des faibles volumes transformés. Elles étaient principalement situées dans les villes secondaires. Ces unités transforment entre 50 et 1 000 litres de lait par jour en divers produits. Cependant, en raison de la saisonnalité de la production, certaines utilisent du lait en poudre en période sèche. Les produits transformés sont essentiellement du lait caillé ou du yaourt conditionné dans des sachets ou des pots. Elles produisent aussi du lait pasteurisé et des fromages, mais en bien moindre quantité. La transformation est généralement réalisée dans des unités assez simples, disposant d’une à trois pièces avec du matériel basique (marmites, bassines, thermomètre, pasteurisateur, réfrigérateur, thermosoudeuse, etc.).
Qualité des produits laitiers
Le lait est un produit fragile, nécessitant des contrôles rigoureux pour garantir sa qualité et éviter les contaminations. Plusieurs tests permettent d’évaluer sa qualité :
- Test au bleu de méthylène : mesure de la charge microbienne.
- Mesure de l’acidité : mesure du niveau de fermentation.
- Lecture de la densité : identification d’une éventuelle dilution.
- Test au Teepol (CMT) : détection des infections mammaires.
- Test à l’alcool et à l’ébullition : évaluation de la stabilité du lait avant transformation.
Ainsi avant d’accepter le lait fourni par les éleveurs, les unités pratiquent des contrôles de qualité.
Distribution
Les laiteries transformant le lait local vendent souvent dans les localités proches de leur lieu de fabrication. Les produits sont vendus sur place ou dans les commerces environnants. Ils subissent la concurrence des produits fabriqués à base de lait en poudre importé, ce qui oblige les transformateurs de lait local à vendre au même prix que ces autres produits. En effet, pour la plupart des consommateurs, du moins pour le moment, l’origine du lait n’est pas déterminante dans le choix lors de l’achat.
Les circuits de distribution varient en fonction du produit :
- Circuits courts : vente directe sur les marchés et auprès des détaillants (lait caillé, produits artisanaux).
- Circuits longs : importateurs, grossistes et détaillants distribuent le lait en poudre et les produits laitiers transformés.
- Distribution moderne : supermarchés et supérettes proposent de nouveaux produits locaux comme les yaourts et le lait pasteurisé.
Dépendance aux importations
Malgré une production laitière estimée à 243,5 millions de litres en 2017, les besoins en lait sont loin d’être comblés. On estime que la production locale ne comble que 40 à 50% des besoins en lait. Cette dépendance impacte négativement la balance commerciale du pays. On importe surtout du lait en poudre (plus de 95% des importations) qui est très faiblement taxé (5%). Il s’agit là d’un choix stratégique et social de l’Etat du Sénégal pour permettre à la population d’accéder au lait à un prix plus accessible. Ce choix est cependant fortement contesté par les acteurs du lait local qui y voit plutôt une déstabilisation de la filière local qui est soumise à la concurrence du lait importé.
Opportunités et défis
Le marché laitier sénégalais présente plusieurs opportunités :
- Évolution des habitudes de consommation, avec une demande croissante en lait frais et en produits laitiers transformés.
- Développement des mini-laiteries, favorisant la valorisation du lait local.
- Possibilité de diversification avec des produits comme le fromage, le beurre et les yaourts liquides.
Cependant, des défis majeurs subsistent :
- Amélioration de la productivité des élevages (sélection génétique, alimentation, santé animale).
- Renforcement des infrastructures de collecte et de transformation.
- Meilleure organisation des filières locales pour limiter la dépendance aux importations.
- Sensibilisation des producteurs et des transformateurs aux normes d’hygiène et de qualité.
Conclusion
La filière laitière sénégalaise est en pleine mutation, avec un potentiel de croissance important. Toutefois, pour réduire la dépendance aux importations et dynamiser le secteur, il est nécessaire d’investir dans l’amélioration des systèmes de production, de collecte et de transformation. L’Etat doit aussi mieux protéger la filière locale par des politiques incitatives et des mesures de protection L’implication des acteurs et le soutien des pouvoirs publics seront déterminants pour assurer un développement durable de cette filière stratégique.
Une filière d’avenir mais difficile