Redresser SUNEOR

Entretien avec Youssou DIALLO, Président du conseil d’administration de la SUNEOR sur le bilan de la campagne de commercialisation de l’arachide et sur la reprise de la Suneor par Pape DIENG, ancien Directeur de la SENELEC.

Publié le 26 mai 2016
La campagne de commercialisation de l’arachide 2015-2016 vient de s’achever, quel bilan tirez-vous de cette campagne ?

La campagne 2015-2016 était celle où les records de productions arachidières ont été battus. Le bilan n’est pas une prévision, parce qu’on est en fin de campagne et nous disposons des résultats définitifs. Ces résultats nous font établir que la production totale nette s’élève à 1 million 50 mille tonnes. Maintenant, si on y ajoute les pertes post récoltes qui sont évaluées environ à 15%, ce qui fait 150 mille 500 tonnes. Donc, le total brut de production est de 1 million 207 mille tonnes. Pour les exportations, nous sommes à 350 mille tonnes de graines exportées. Concernant les semences, il y a eu plus de 110 mille tonnes de semences collectées dont 50% certifiées et 50% écrémées. En revanche, le ventre mou de cette campagne a été la collecte au niveau des huiliers. Parce qu’à ce niveau, nous étions d’habitude à plus de 200 mille tonnes collectées. Mais, cette année, les huiliers n’ont quasiment collecté que 39 mille 700 tonnes. Il faut dire que cette année, les chiffres qui ont été avancés, à savoir 1million de tonne est aussi la résultante de l’accroissement des rendements parce que d’habitude ceux concernant  l’arachide, tournaient autour 700 et 800 Kg. Maintenant, nous sommes à 1,75 tonne  ce qui veut dire 1700 Kg par ha. Du fait que la commercialisation au niveau des huiliers n’a pas été ce qu’on escomptait, beaucoup en ont déduit que les chiffres qui étaient donnés par le gouvernement  n’étaient pas exacts. Mais d’après ce que je viens de dire, il suffit seulement de les rapporter sur le plan arithmétique pour savoir que ces chiffres sont réels. Maintenant, il y a eu une  restructuration du marché arachidier parce qu’il y a eu des phénomènes économiques qui se sont passés dans la filière arachidière  et qui n’ont pas été compris par beaucoup de gens. Ils viennent de l’ouverture à l’exportation pour les graines d’arachides, principalement en direction de la chine. Donc, cette restructuration a posé problème aux huiliers et nous en sommes conscients. Parce que les  acteurs majeurs de la filière sont les producteurs, les exportateurs et les huiliers. Et ils s’en sont tous bien sortis.

Vous venez d’être nommé à la tête du conseil d’administration de la Sunéor. Aujourd’hui, nous savons que cette société traverse une crise. Quelle politique comptez vous menez pour la relance de l’entreprise ?

Il faut noter que maintenant l’actionnaire unique de la Sunéor est l’Etat. Dans ce genre de situation, l’Etat fait une lettre de mission qui défini les priorités et les politiques. Ensuite, il établit un contrat de performance pour l’entreprise. Mais connaissant le secteur, si je devais m’aventurer à définir une lettre de mission, je la définirais en 4 points. Le premier, c’est d’abord faire redémarrer l’entreprise. C’est-à-dire remettre les travailleurs au travail, redémarrer les usines parce que la Sunéor fondamentalement a deux principales activités : la structuration des graines d’arachides et le raffinage et  conditionnement des huiles. Aujourd’hui, il se trouve que l’essentiel des activités de Sunéor sont à l’arrêt. Le deuxième point, c’est la restructuration. Il faut restructurer aujourd’hui la dette de la Sunéor qui se chiffre à 50 milliards  dans le sens de bloquer les intérêts débiteurs et de trouver un échéancier qui permettrait à l’entreprise de pouvoir souffler et de  se consacrer aux activités de redémarrage et d’investissement. Il faut aussi restructurer les charges fixes qui sont évaluées à plus de 15 milliards par an. Aucune entreprise sénégalaise ne peut être compétitive dans ces conditions. Le troisième point, c’est la recapitalisation. A cause de ses pertes et de son endettement aujourd’hui, Sunéor a des problèmes de fonds propres. Donc, il faut la recapitaliser soit en transformant une partie de ses actifs meubles et immeubles. Parce que Sunéor a un patrimoine meuble et immeuble qui dépasse les 100 milliards de francs Cfa. On peut les valoriser ou les vendre pour avoir des ressources qui permettraient de renflouer l’entreprise. Enfin le dernier point, c’est la reprivatisation de l’entreprise. C’est-à-dire proposer au gouvernement un plan de privatisation. Car, on ne privatise pas une entreprise qui est en difficulté, on procède à sa liquidation ou on la brade. Je pense que les objectifs de la lettre de mission de la Sunéor ne devrait pas sortir de ces 4 R (redémarrer, restructurer, recapitaliser et reprivatiser).

Certains ont décrié la nomination de Pape Dieng à la direction générale de la Sunéor. Qu’en pensez-vous ?

En tout cas, Pape Dieng a fait d’excellents résultats à la Senelec. Déjà si la Senelec est arrivé à ce niveau, c’est parce que quelqu’un a dû l’assainir. Quand il arrivait la Senelec avait plus de 50 milliards de pertes. Mais quand Pape Dieng quittait, c’était un résultat positif de plus de 3 milliards. Concernant les résultats strictement financiers, comptables et économiques, il a eu à faire des performances au niveau de Senelec. Maintenant la gestion des rapports avec les syndicats, les travailleurs et autres c’est un autre niveau. Donc, Pape Dieng est décrié non pas pour ses résultats concrets dans l’entreprise, mais dans ses relations avec les travailleurs. C’est quelqu’un qui a pu redresser la plus grande entreprise en difficultés.

Source : Sudonline